EGLISE CAROLINGIENNE
Le petit édifice aux multiples dénominations, église
pré-romane, église carolingienne, Notre Dame sous terre,
le sanctuaire... est, du Mont-Saint-Michel, la plus ancienne construction
qui soit parvenue jusqu'à nous.
Aujourd'hui, sa morphologie générale fait l'objet d'un consensus
au droit des différentes thèses qui s'étaient confrontées.
Néanmoins il reste à faire la lumière sur l'utilisation
de l'église, après la construction de l'abbatiale au-dessus.
Découverte par Paul Gout lors des fouilles archéologiques de
1907, l'église qui avait été encombrée par des
massifs de fondations construits pour soutenir, entre autre, la façade
classique de la nef, est restaurée dans son état initial par
Y.M Froidevaud.
Adossée à l'ouest de la pointe du rocher, et non au sommet, la
petite église se trouvait à l'origine en plein air.
La construction de l'abbaye romane du XIè siècle l'enchâssera
définitivement dans les "substructions" de l'église.
Situation
Désormais engloutie, sans ouverture sur l'extérieur, l'église
se trouve située:
- sous la partie Nord des trois dernières travées de la nef de
l'église.
- au Sud de la salle de l'Aquilon.
- au Nord des deux galeries portant la moitié Sud des trois dernières
travées de la nef.
- à l'Est d'une galerie Nord-Sud.
Eléments constitutifs
Sur plan rectangulaire, l'église pré-romane, de conception carolingienne,
est composée de deux nefs séparées par des piliers massifs.Bien
que le plan
se subdivise en unités autonomes ayant leur propre cohérence,
nous ne les dissocierons pas, car il s'agit d'un espace unitaire.
Caractéristiques
Il est assez délicat de se prononcer d'une façon définitive
sur l'état originel de l'édifice.
De nombreux travaux ont néanmoins mis en évidence la nature des
transformations qui ont modelé le sanctuaire depuis sa construction
que l'on fixe entre 933 ( fin des troubles normands) et 966 ( arrivée
des bénédictins).
On note notamment l'adjonction des voûtes, car semble-t-il, l'église
aurait été simplement couverte d'une charpente de bois et de
tuiles.
De plus, la partie occidentale est postérieure au reste de l'édifice,
probablement construite lors de l'édification de l'église abbatiale
qu'elle soutient.
Enfin l'aveuglement inévitable des ouvertures fit de cette église
aux parois ornées de fresques, une
sombre crypte.
Le parti général de la construction est par contre très
lisible .L'aspect massif est rendu par des parois dépourvues de reliefs,
des murs épais et trapus, pour une hauteur relativement faible.
Deux nefs dotées chacune d'un sanctuaire sont nettement affirmées,
séparées par un mur médian percé de deux arcades.
L'édifice se subdivise donc en unités autonomes qui, prises isolément,
possèdent leur propre cohérence: les absides voûtées
se distinguent des nefs charpentées à l'origine; de même
les nefs séparées par le mur médian constituent deux unités.
Ces divisions fortement marquées s'opposent à toute articulation
dynamique entre les éléments et définissent un espace
statique.
Cette conception est caractéristique de l'architecture carolingienne.
Il reste peu d'édifice aussi ancien conservé dans l'état.
Néanmoins les caractéristiques de " Notre Dame sous Terre" se
retrouvent par exemple dans l'église carolingienne de Saint Philibert
de Grand Lieu (44).

L'ABBAYE ROMANE : L'EGLISE
En 1017, le quatrième Duc de Normandie, le Duc Richard II et
l'abbé du Mont-Saint-Michel, Hildebert II décident l'édification,
sur ce petit rocher escarpé et pointu, d'une vaste abbaye.
Le projet est grandiose, et marque un tournant décisif dans l'histoire
du Mont-Saint-Michel, car ce qui jusqu'alors était une petite église,
va devenir une
véritable cité bénédictine où la règle
est de plaire à Dieu seul... Désormais rien n'est trop ambitieux.
"Vers l'an mille, l'on eut dit que le monde, en se secouant, avait rejeté ses
vieux habits pour se vêtir d'un blanc manteau d'églises neuves".
Cette phrase du bénédictin Raoul Glaber témoigne du formidable
renouveau que connaît le XIè
siècle, notamment en architecture où l'on redécouvre et
exploite la construction voutée en pierre, symbole de puissance et d'éternité.
Les moines se donneront les moyens économiques et techniques de réaliser
cette œuvre remarquable. Entre autres l'acheminement des blocs de granits
depuis les îles Chausey situées en haute mer à une trentaine
de km du Mont, se faisait par bateaux, au rythme lent des grandes marées.
Enfin les problèmes d'adaptation à la forme cylindrique du rocher
seront résolus par la construction d'une puissante infrastructure à flanc
de colline, permettant au futur sanctuaire dédié à l'Archange
de se
poser en équilibre sur l'extrême pointe du rocher.
Remarquable transposition sur le mode vertical de l'organisation spatiale d'une
abbaye bénédictine traditionnellement horizontale.
Situation
La recherche spirituelle comme l'élévation de l'âme vers
Dieu, exige dans la mentalité médiévale que l'on construise
sur les hauteurs.
C'est la raison pour laquelle seuls, le centre de l'église, la croisée
du transept et les trois premières travées de la nef reposent
sur la pointe du rocher.
Le reste de la plate-forme artificielle portant l'église, repose sur
des soubassements ou cryptes qui ceinturent le rocher.
Enfin, l'orientation suivant l'axe décrit par la longue nef reste rituelle,
c'est-à-dire Est-Ouest, favorisée de plus par la forme même
du rocher.

Eléments constitutifs.
La crypte du chœur
Construite pour soutenir le chœur roman à déambulatoire
elle se trouve à l'Est du rocher. Reconstruite après l'effondrement
du chœur roman en 1421 ces piliers furent noyés au centre des piles
qui devaient soutenir le chœur gothique. Elle fut rebaptisée crypte "des
gros piliers".

Crypte Saint Martin
Cette crypte a une double particularité, elle a d'une part conservé son
aspect originel comme lieu de prière, considérant bien entendu
que l'ensemble des fresques murales et l'ornementation n'existent plus. D'autre
part, elle porte les marques des techniques de coffrage des voûtes.
"Pour construire les voûtes on place sur les cintres des planches
appelées couchis qui forment une sorte de moule en relief : les couchis
laissent quelquefois
leurs empreintes sur les voûtes en blocage". G Bazin.
La fonction principale étant la prière, la crypte définie
un espace dégagé et un volume confortable qui dissimule une virtuosité technique
permettant de porter au moyen de voûtes et de murs épais le bras
Sud du transept.

Crypte des trente cierges
Totalement symétrique, lors de la construction, à la crypte Saint
Martin, elle porte le bras Nord du transept.
Lors de la construction de la Merveille au XIIIè siècle le mur
Nord du transept fut modifié et la crypte dût subir de profondes
transformations.
D'une voûte en berceau elle passa à deux voûtes d'arêtes,
on perça, de plus, des ouvertures vers la salle des chevaliers.

Crypte "Notre Dame sous terre"
Définitivement engloutie l'église carolingienne
est devenue une crypte. Le dispositif de soubassement qui porte la nef est
relativement complexe, car il n'est pas régulier.
Il se compose, entre autre, de l'église pré-romane qui pour la
circonstance a été allongée vers l'Ouest. Trois galeries
supportent le reste de la nef.
Enfin, les dernières travées de la moitié Sud reposent
sur deux galeries horizontales, tandis qu'une grande galerie Nord-Sud porte
l'extrémité Ouest de la nef.
L'église
L'ensemble des soubassements formé par les quatre cryptes dessine un
plan en croix dont les dimensions sont comparables à celles des grandes
abbatiales normandes au XIè siècle.
Il nous reste peu de l'édifice d'origine, car le côté Nord
de la nef s'effondre au XIIè siècle, le chœur roman au XVè siècle
enfin les trois dernières travées au XVIIIè siècle.
Sous l'abbatiat de Robert de Torigny au XIIè siècle deux tours
furent construites, encadrant la façade de la nef à sept travées.
La plate-forme de l'Ouest en garde encore les marques.
Une des deux tours fut détruite avec les trois dernières travées
au XVIIIè siècle en raison de leur état de vétusté,
tandis que l'autre disparut, à une date indéterminée,
après le Moyen-Age.
Du chœur roman à déambulatoire, qui semble-t-il devait être
un des premiers de ce type en Normandie, il ne reste rien. Ecroulé en
1421 il est reconstruit en style gothique après la guerre de cent ans.
De plus le racourcissement de la nef après l'effondrement des trois
dernières travées nous prive du caractère essentiel des
grandes églises de pèlerinage: la longueur de la nef.
Enfin, les voûtes d'ogives, de la croisée du transept, sont refaites
au XIXè siècle semblables aux voûtes d'origine.
D'une abbaye romane édifiée au XIè siècle, maintes
fois incendiée, détruite et refaite, il nous parvient un assemblage
d'architectures hétéroclites
qui ponctuent l'histoire de l'édifice.
Caractéristiques
L'église se compose d'une longue nef de sept travées, d'un chœur à chevet
semi-circulaire et d'un transept à deux bras.
L'originalité du traitement architectural de l'église est encore
due au fait qu'il fallait alléger la construction au maximum pour ne
pas peser sur les soubassements.
De fait, les grands arcs de décharge, qui du sommet jusqu'aux piles
canalisent les masses, permettent un amincissement des murs. Cette technique
déroge à la tradition normande qui imposait des constructions
massives faites de murs épais.
Néanmoins, pour la couverture, la charpente normande en berceau lambrissé permettait
une charge minimum. Les solutions de couvrement pour la nef sont différentes:
la nef est charpentée, les bas-côtés sont voûtés
d'arêtes et les bras du transept sont
couverts d'une voûte en berceau.
Enfin, comme dernier élément caractéristique de l'église
du Mont-Saint-Michel, on note que contrairement à ce que l'on fait en
Normandie à cette époque, il n'y a pas de tribunes voûtées
au niveau du second étage. L'ensemble est certes plus léger,
mais n'épaule pas le mur de la nef jusqu'aux fenêtres hautes.
Ce système est très adapté aux difficultés de construction
sur un tel site, mais il condamne l'utilisation de voûtes en pierre pour
couvrir la nef.

L'ABBAYE ROMANE : LE MONASTERE
De l'abbatiat de Hildebert II à celui de Robert de Torigny.
L'histoire architecturale du Mont au milieu du XIè siècle est
marquée par la personnalité de l'abbé Ranulphe de Bayeu
qui déchaîna son savoir-faire politique et ses talents de financier
pour mener à bien cette tâche colossale.
Il profita entre autre de la victoire de Guillaume le Conquérant, dont
les armées portaient l'étendard de Saint Michel, pour récolter
quelques biens anglais généreusement dispensés par les
conquérants. Les donations pleuvent. Ranulphe sait, de plus, favoriser
les retraites de seigneurs, qui en prenant l'habit font don de tout en partie
de leurs biens.
En outre, les veuves des guerriers utilisent le legs par testament pour acheter
le salut de leurs âmes et celle du défunt mari.
Autant de revenus qui, associés aux pèlerinages réguliers,
assurent le financement de ce qui reste encore une entreprise démesurée.
Ce gigantesque programme qui incluait l'ensemble de l'église et le monastère
fut un éternel chantier de construction qui dura près de deux
Quant aux constructions, elles font l'objet de tous les soins de l'infatigable
abbé. Il entreprend au niveau de l'église abbatiale la construction
d'immenses murailles pour édifier le monastère. Celui-ci se compose
de l'aumônerie dont la fonction était d'accueillir les pèlerins
et de leurs distribuer des vivres, le promenoir des moines, le réfectoire,
la cuisine, le cellier, le dortoir, l'infirmerie, et l'ensemble des galeries
d'accès.
Il est inutile de préciser que tous ces éléments composant
le monastère ont subi d'innombrables transformations qui rendent l'analyse
de l'évolution du bâti extrêmement complexe.
La visualisation deviendra logiquement schématique et nous ne nous aventurerons
pas à parler des usages et des fonctions de chaque partie. La modélisation
des salles du monastère roman pourrait faire l'objet d'une étude
autonome, car les imbrications spatiales et circulations restent très
complexes à restituer dans la chronologie. Enfin la notion de clôture,
indispensable à une bonne lecture spatiale du lieu est délicate à mettre
en lumière.
Une telle étude nécessiterait l'intervention quotidienne de spécialistes
et quelques mois d'investigation supplémentaire.
La prudence nous conduit à envisager un état des lieux sur des
considérations générales à partir de la grande
circulation Nord-Sud.
Situation
Les bâtiments conventuels romans et leurs annexes se développent
au Nord et au Sud du Rocher, enserrant et prolongeant à l'Ouest les
soubassements de l'église abbatiale, notamment l'église pré-romane.
L'adaptation au site conduit à une organisation sur plusieurs niveaux,
avec des circulations verticales, et non autour d'un cloître comme le
voudrait le plan traditionnel.

Eléments constitutifs
L'aumônerie (Salle de l'Aquilon)
L'aumônerie romane étant située au Nord, les conditions
climatiques en ont fait une salle humide et froide d'où l'analogie avec
le vent froid du Nord que les Romains nommait Aquilon.
Il s'agit d'une salle de petites dimensions, composée de deux nefs séparées
par un alignement de trois colonnes massives.
Après l'incendie de 1112, l'Abbé Roger II fit remplacer la couverture
de bois par des voûtes de pierre. Il voulait ainsi éloigner les
dangers du feu. La salle est donc désormais voûtée d'arêtes,
avec des arcs doubleaux brisés, et appareillés. Les dernières
voûtes au Sud prennent fin sur les massifs contrebutant la nef, qui descendent
et canalisent les charges jusqu'au rocher.
Au XIè siècle, l'hébergement des pèlerins est limité,
car les structures d'accueil sont insuffisantes,
la porte d'entrée est étroite, l'aumônerie exiguë.
La galerie de circulation se trouve à la limite de la clôture
du monastère.
Avant la destruction en 1776 de l'annexe du Nord, celle-ci était en
relation avec la grande salle, grâce à deux grandes ouvertures
en arcades.
Enfin, la salle d'origine ne communiquait pas avec les bâtiments conventuels
au-dessus, pour que soit préservée la solitude des moines: l'escalier
qui mène au promenoir a été construit par les Mauristes
au XVIIè siècle.

Le promenoir des moines.
Le promenoir est une longue salle rectangulaire, constituée de deux
nefs séparées par cinq colonnes. L'ensemble s'appuie sur le rocher à l'Est,
sur l'aquilon à l'Ouest.
On ignore encore la fonction de ce prétendu promenoir, mais la tradition
veut que ce soit le cloître couvert roman, où les moines se délassaient
et se
promenaient.
Cette salle marque un tournant dans l'art architectural. Roger II avait fait
construire des voûtes d'arêtes, mais Bernard le Bec les remplaça,
après l'incendie de 1138, par des voûtes d'ogives. Deux nervures
jetées entre deux arcs doubleaux se croisent en diagonales.
La technique employée est encore assez "grossière",
mais elle annonce le style gothique. On est encore assez loin des voûtains
articulés, portés par une armature d'arc. Les arcs "ogifs" surbaissés,
ne réalisent pas un demi-cercle, et viennent s'appuyer sur les murs
et les piles.
Nous sommes ici assez proches de la conception Romane du mur porteur: l'ensemble
mur-voûte est uniforme et indissociable, car les arcs, inutiles, se réunissent
dans le mur.
La mutation vers le gothique est en route mais encore inachevée, car
il n'y a pas de structure fine qui concentre les efforts sur des points précis,
rendant les murs inutiles et l'évidement possible.

Le dortoir.
Au troisième niveau de cet ensemble de bâtiment, au-dessus donc
du promenoir, parallèlement à la nef de l'église abbatiale,
se trouve le dortoir.
Il ne reste aujourd'hui qu'une petite salle couverte en berceau lambrissé.
Néanmoins, avant 1776, le bâtiment longeait la grande nef et s'étendait
jusqu'à l'extrémité de la plate-forme de l'Ouest.
Au Nord de ce bâtiment composé de l'Aquilon, du promenoir et du
dortoir se trouvait un petit édifice divisé en deux parties.
Une partie Ouest écroulée en 1776, (annexe de la salle de l'Aquilon)
et une partie Est sur trois niveaux encore, composée, selon la thèse
traditionnelle, du cellier, de la cuisine, et de l'infirmerie.

Les galeries
Les galeries ont un rôle essentiel dans l'organisation spatiale, structurelle,
et sociale du monastère.
Elles sont, en effet, les pièces essentielles du système de soutènement
de l'église abbatiale, et dessinent un réseau complexe de cheminements à l'interieur
de l'abbaye.
Le grand escalier Nord-Sud construit au XIè siècle, tient une
place essentielle, en terme de circulation, dans l'abbaye romane, car il communique
avec un grand nombre de lieux:
- au Nord avec le promenoir
- à l'Ouest avec les logis de l'abbé (XIIè siècle)
- à l'Est avec l'église pré-romane
- au Sud-Ouest avec la porterie
- au Sud -Est avec la chapelle mortuaire St Etienne
- au Sud avec l'hôtellerie
Néanmoins, bien qu'on lise assez bien au niveau de la distribution,
une hiérarchisation des fonctions d'accueil, des relations avec les
ordres nobles, enfin
les fonctions proprement monastiques, le statut fonctionnel du grand escalier
est mal connu.
Il nous est en effet difficile de savoir si le grand escalier se trouvait à l'intérieur
de la "clôture" qui dissocie traditionnellement les parties
publiques et les parties proprement monastiques.

Les bâtiments de l'Ouest et du Sud
A l'Ouest de la galerie Nord-Sud s'organise sur trois niveaux une superposition "archéologiquement
complexe" de plusieurs salles.
Il s'agit de deux petites pièces du XIè siècle, une située
entre l'escalier Nord- Sud et le logement de Robert de Torigny, l'autre réaménagée
en un couloir lors de l'édification des tours de façades au XIIè siècle.
En supplément le logement de l'Abbé, qui se situe sous le parvis
de l'église, constituant avec la salle du XIè siècle un
ensemble de pièces austères et sans chauffage, communique au
Sud avec l'hôtellerie.
A l'étage inférieur se trouve le logement du portier constitué d'une
grande salle faisant toute la largeur du logis abbatial. Cette pièce
communique avec l'entrée du monastère au Nord , l'hôtellerie
et l'infirmerie au Sud.
Enfin sous le logement du portier : les "deux jumeaux". Il s'agit
de deux cachots qui n'ouvraient à l'origine que sur le logement du portier
par deux trous aménagés dans le plafond. Réutilisés
plus tard par l'administration pénitentiaire, ces cachots soulignent
la volonté de Robert de Torigny d'exercer son droit de justice seigneuriale.
Au Sud Ouest , en bordure des
constructions préexistantes, Robert
de Torigny fait édifier une vaste hôtellerie qui permettait
l'accueil des nobles et des riches. L'aumônerie étant réservée à l'accueil
des pauvres.
Le bâtiment se compose de bas en haut:
- d'un cellier à deux caveaux
- d'une grande salle éclairée par quatre fenêtres, vraisemblablement
munie d'une grande cheminée.
- d'une infirmerie.
A l'Est de cet ensemble de bâtiment qui s'effondre en 1818 se trouve
une construction plus modeste constituée de deux salles.
- la salle inférieure qui communiquait avec la grande salle de l'hôtellerie. " le
vestibule des pélerins" .
- la salle supérieure communément appellée "chapelle
St Etienne". Elle se situe entre l'infirmerie à l'Ouest et le cimetière
des moines à l'Est (salle de la grande roue) .

Les bâtiments dits "de Roger II"
(Abbé et grand administrateur de l'abbaye)
Cette courte énumération bien incomplète des constructions
marquantes de l'architecture romane au Mont-Saint-Michel permet d'avoir un
aperçu des
éléments majeurs qui constituaient le site à l'âge
Roman. Il est bien entendu que notre représentation est du domaine du
schéma et que tendre vers la rigueur archéologique n'est pas l'objet
de cette étude.
Des édifices entiers du site roman ont disparu, c'est le cas des bâtiments
de " Roger II".
L'ensemble gothique de la Merveille a remplacé son importante réalisation.
Des traces en subsistent toutefois : ainsi, le mur Ouest de la Merveille est
en grande partie le réemploi d'un mur du bâtiment de Roger II.
Caractéristiques
Aux vues de la situation " éclatée " des bâtiments
qui constituent le monastère, il est difficile de sortir un caractère
unique et commun à l'ensemble de l'édifice roman. Les éléments
distincts qui se satellisent autour de l'église abbatiale, semblent
avoir chacun leur spécificité.
L'expression architecturale est donnée par la volumétrie, le
traitement de la lumière, et les techniques de construction. Dans l'ensemble
du monastère, la constante romane reste l'utilisation, plus ou moins élaborée,
du mur en maçonnerie de "blocage".
Il est donc intéressant, par ailleurs, de mesurer l'évolution
des techniques de construction au fil des différentes salles. On assiste,
entre autre, à la naissance d'une nouvelle forme de couvrement, au moyen
de l'appareillage qui réduit l'utilisation du mortier : la voûte
d'ogive.
C'est précisément le cas du promenoir des moines, déjà détaillé précédemment,
qui annonce bien la mutation vers la voûte d'ogive, mais son tracé est
encore irrégulier et sans fonctions techniques.

LA MERVEILLE (Monastère
gothique)
Généralités
Ce sont, semble-t-il, les pèlerins eux-mêmes qui dès le
XIIIè siècle auraient baptisé le nouveau monastère,
qu'ils voyaient magnifiquement s'arracher du rocher en arrivant par le Nord.
Malgré les guerres et les querelles, le XIIIè siècle fut
pour le Mont une période intensive de construction. Partout ailleurs, " la
croisade des cathédrales" bat son plein: l'art gothique s'exprime.
La vie des moines au Mont Saint Michel change. Les pèlerinages se développent,
le rôle politique de l'abbaye s'affirme, la production de manuscrits
augmente et le nombre des moines s'accroît. Désormais, l'attention
des abbés est portée sur la vie conventuelle, et la vie domestique
des moines comme leur confort, importe plus que la vie liturgique.
La construction de la Merveille marque donc un
tournant décisif pour le quotidien des moines, qui vont vivrent de rentes
comme des seigneurs, en renonçant aux privations qu'imposent les vœux.
De plus, le modèle gothique permettait de satisfaire la communauté,
fatiguée de l'obscurité et de l'exiguïté des salles
romanes. Espace, lumière et beauté devinrent les mots d'ordre
des bâtisseurs qui mirent à profit les larges avancées
techniques du nouvel art de bâtir.
Le réfectoire aura le volume d'une nef. D'innombrables percements vitrés,
subtilement placés dans l'épaisseur des murs inonderont les espaces
de lumière. La pierre se sculptera et le ciseau s'exprimera avec légèreté.
La Merveille empile avec virtuosité une architecture lumineuse et aérée,
solidement étayée par un alignement de puissants contreforts
appuyés au rocher.
Situation
Cet ensemble, aussi long que l'église, haut comme une cathédrale,
se situe à l'emplacement des anciens bâtiments de Roger II. C'est à dire
au Nord, face à la pente abrupte du rocher, et parallèlement à l'église
abbatiale.
De la face Nord les deux corps de bâti paraissent légèrement
excentrés par rapport à l'église, car à l'origine
une troisième tranche verticale de trois étages était
prévue dans la continuité à l'Ouest.

Eléments constitutifs
L'aumônerie
La salle de l'aumônerie devait probablement être présente
avant la construction de la Merveille. Néanmoins, elle a très
certainement subi des transformations durant le chantier.
Il s'agit d'une salle de sept travées divisée en deux nefs par
sept colonnes qui supportent des voûtes d'arêtes sans arcs doubleaux.
Bien qu'appartenant à un ensemble gothique, cette salle, sans éléments
décoratifs, conserve indéniablement un aspect roman dû à l'appareillage
des colonnes posées sur un dé de pierre, à la forme des
chapiteaux, enfin à son caractère encore massif.
Vaste et d'apparence robuste cette salle devait probablement accueillir énormément
de pèlerins, car si aux origines du monachisme, l'aumône est un
geste symbolique, au XIIIè siècle il devient une véritable
soupe populaire.

Le cellier
Originellement conçu comme l'aumônerie, le cellier fut remanié lors
de la construction du cloître deux étages plus haut. L'épine
médiane disparut pour faire place à deux rangées de piliers
carrés qui soutiennent deux des trois alignements du scriptorium au-dessus
(l'alignement Sud du scriptorium repose sur le rocher).
La construction est grossière, colonne carrée,
taille de pierre simple, et voûtes d'arêtes, créant des
conditions de rangement extrêmement pratiques.
De très grandes dimensions, la salle peut contenir des quantités
impressionnantes de vivres.

La salle des hôtes
Située entre l'aumônerie des pauvres au-dessous, et le réfectoire
des moines (soupe populaire, festin, repas monastique), la salle des hôtes était
destinée à accueillir les visiteurs de marque, riches ou fameux,
qui y prenaient leurs repas avec l'abbé.
Il s'agit donc d'une salle de réception. Elle se compose de deux nefs
où l'on "dressait" la table des repas, de deux immenses cheminées
où l'on préparait la cuisine et qui étaient séparées
du reste de la salle par des tapisseries, enfin de latrines situées
dans le mur Nord.
La salle communique à l'Est avec la chapelle Sainte Madeleine où les
hôtes se recueillaient avant
de prendre part au repas, et à l'Ouest avec les cuisines et l'église
abbatiale par le monastère.
Verticalité, finesse des colonnes, élancement des ogives, caractérisent
le traitement du vaste volume. La salle des hôtes éclairée
par les grandes baies de l'Est, était une véritable salle d'apparat, à l'origine
décorée de peintures, carrelages, vitraux et tapisseries.

Le scriptorium
Le scriptorium est aussi appelé "salle des chevaliers". Bien
que dans la réalité historique du temps de l'abbaye, jamais un
chevalier ni même un laïc n'ont pénétré dans
ce lieu, la confusion des illustrateurs du XIXè siècle qui représentaient
hommes d'armes et chevaliers dans cette salle, est restée.
Cet espace, le plus vaste de l'abbaye, était à la fois le chauffoir
et la salle de travail des copistes et des enlumineurs. L'art Normand affirme
ici toute son originalité: sculpture des chapiteaux à feuillage
gras,
mouluration accentuée des arcs, terminaison des colonnettes "en
congé" dans le mur.
D'aspect robuste, l'ensemble de la composition répond à une contrainte
technique majeure: le support du cloître au-dessus. Les colonnes sont,
de fait, trapues et les ogives ont un profil plus marqué. Les lignes
horizontales de cette immense espace constitué de trois nefs, sont très
soulignées. Aucun artifice de décoration n'élance les
colonnes massives, au contraire elles sont découpées en "rondelles",
empêchant ainsi le regard de s'élever.
Enfin, bien qu'exposées au Nord, de grandes verrières circulaires
assurent un bon éclairage diffus.

Le réfectoire
Le style du réfectoire est un compromis subtil entre la tradition monastique
romane et le traitement moderne de la lumière gothique.
Situé au dernier niveau de la Merveille, son volume est simplement rectangulaire,
ouvert sur les
grands côtés de nombreuses fenêtres fines et profondes,
et couvert d'une voûte en berceau lambrissé.
Jeu d'équilibre entre une nécessité de charger les voûtes
et le souci de légèreté, le principe retenu ici, consiste à "verticaliser" les
poussées latérales de la salle des hôtes, en chargeant
les voûtes de deux murs.
Ils permettent donc, grâce à l'ingénieux système
de percement, de ne pas alourdir à l'excès la construction, d'offrir
une qualité acoustique exceptionnelle, de laisser entrer une lumière égale
et diffuse, et de soutenir aisément la charge continue de la couverture.
Le rythme paisible et solennel de la succession d'ouvertures, comme la continuité et
l'homogénéité parfaite de l'espace, en font une salle étonnamment
sereine et propre au recueillement.

Le cloître
Lieu de promenade, de discussion et de recueille
ment, le cloître se situe sur le scriptorium, au dernier étage
de la Merveille.
Aménagé en jardin par les Mauristes qui ne craignaient pas de
charger les voûtes du dessous, il est entouré de galeries couvertes.
De plus, pour édifier cette construction, on raccourcit le transept
Nord de l'abbatiale, où fut percée une grande fenêtre gothique.
Cette situation au sommet du bâtiment pose encore et toujours le problème
du poids de la colonnade sur les voûtes inférieures. Légèreté et
stabilité s'imposent. Les colonnettes, en pierre calcaire de Caen (exceptionnellement
légère et résistante) seront affinées au maximum
et assemblées par trois en quinconce, formant ainsi, des suites de trépieds.
Ce dispositif permet une multiplication des points d'appuis, donc une meilleure
répartition des charges. L'ensemble est couvert d'une légère
voûte en bois.
La remarquable transposition sur le mode vertical du plan bénédictin
permet au cloître d'assurer sa fonction. Les communications et les cheminements
se font conformément à la tradition et à l'esprit de la
règle.
Centre symbolique du monastère, il est fermé et replié sur
lui-même, mais ouvert au ciel et à Dieu seul ...
Enfin, dans cette composition mesurée à l'échelle de l'homme,
l'effet sobre du granit, employé pour les murs extérieurs, s'oppose
aux fines et riches sculptures des arcades et de leurs écoinçons
en pierre.
Caracteristiques
Dans une "enveloppe" qui de l'extérieur semble homogène
et compacte, la Merveille empile des pièces aux caractéristiques
bien distinctes, répondant à diverses fonctions, à plusieurs
chapitres d'une règle.
A l'image de la règle de Saint Benoît, le traitement des espaces
monastiques (scriptorium, cloître,
réfectoire) mêle avec finesse les préoccupations techniques,
constructives, et matérielles, comme les considérations religieuses,
spirituelles, symboliques.
L'alliance de ces composantes dessine une architecture cohérente, capable
de répondre avec pertinence, d'une part, aux contraintes de constructions
liées au site, d'autre part à la nécessité de créer
des espaces et des formes pour des moments précis de la vie monastique.
Enfin, l'adaptation verticale de l'organisation traditionnellement horizontale
est remarquable, car les espaces conventuels restent organisés autour
du cloître, respectant ainsi la clôture, tandis que les parties
basses, destinées aux pèlerins, visiteurs de marque, et marchandises,
communiquent directement avec l'extérieur.
La Merveille reflète l'image d'une société médiévale
très hiérarchisée: les pauvres, au-dessus les seigneurs,
au sommet les hommes d'église.

LOGIS ABBATIAUX
La troisième et dernière construction qui devait achever
l'extrémité Ouest de la Merveille, ne fut pas
réalisée, au profit de logis abbatiaux, plus vastes que les appartements élevés
par Robert de Torigny.
Les travaux débutèrent sous l'abbatiat de Richard de Turstin
dans la deuxième moitié du XIIIè siècle. Il fit élever
le long de l'abside de l'église abbatiale une nouvelle officialité dont
l'étage inférieur devait désormais servir de porterie,
entrée principale du monastère.
Les cinq bâtiments qui font suite à l'officialité, au Sud
de l'église abbatiale, sont pour l'essentiel l'oeuvre de Geoffroy de
Servon, de Pierre le Roy, et de Guillaume de Lamps.
Il s'agit d'une série de constructions qui comprennent, bien entendu,
les appartements de l'abbé, mais abritent également tous les
services temporels du monastère. Ces bâtiments devaient servir
de cadre à l'action administrative grandissante des abbés.
Après le Châtelet, d'Est en Ouest, le long du grand degré,
on trouve successivement: officialité, bailliverie, logis abbatial,
aile des cuisines, chapelle sainte Catherine.
Visible aussi depuis la digue, cette enfilade de morceaux d'architectures juxtaposées,
dessine la façade probablement la plus connue du Mont-SaintMichel.
Situation
Les bâtiments abbatiaux se développent sur le flanc Sud du Rocher,
d'Est en Ouest, parallèlement à l'axe principal de l'église.
Les hautes murailles de la construction dominent le grand degré depuis
le Châtelet jusqu'au Saut-Gautier (plate-forme aménagée
devant le portail Méridional de l'église).
Le tracé légèrement courbe de l'implantation des bâtiments,
suit la forme du rocher, donnant l'impression d'un haut rempart enserrant presque
totalement l'église.

Eléments constitutifs
La porterie
En communication avec le grand degré et la cour de l'aumônerie,
la porterie est une galerie de passage, un vestibule.
Couverte de voûtes d'ogives, elle fut amputée d'une travée
au XV è siècle, lors de la construction de la crypte du chœur
gothique.
La plus belle cheminée du monastère, décorée de
riches moulures, y fut dressée, probablement pendant la guerre de cent
ans lorsque c'était une salle de garde.

L'officialité
Lieu de jugement, car l'abbé avait droit de justice sur tous les hommes
de son domaine hormis les affaires criminelles, l'officialité est une
salle sans voûtes, ouverte par d'élégantes baies étroites
que divisent à mi-hauteur des meneaux horizontaux.
Cette salle est plus généralement connue sous le nom de " belle
chaise", à cause du riche trône sur lequel l'abbé s'asseyait
pour rendre justice.
A l'entresol, entre la porterie et Belle chaise, une petite pièce servait
de greffe du tribunal, où se faisaient les formalités juridiques.

La tour perrine
A l'Ouest de Belle chaise, elle s'élève sur six étages
surmontés d'un machicoulis et d'un crénelage. Elle permettait à la
fin du XIVè siècle de loger les garnisons qui montaient la garde
dans la porterie.

La bailliverie
En retrait de la tour Perrine et à l'Ouest de Belle chaise, la Bailliverie
fut construite par Richard Turstin (deuxième moitié du XIIIè siècle)
et Pierre le Roy (fin XIVè siècle).
Le Bailli, officier de justice, exercait donc son pouvoir dans ce bâtiment
de trois étages et y était probablement logé.

Logis abbatial
Imposante demeure, soutenue par trois contreforts et quatre arcs de décharge
le logis de l'abbé est une construction monumentale.
Avant le remaniement par l'administration pénitentiaire au XIXè siècle,
le bâtiment comprenait un dernier étage en comble, ceinturé d'un
chemin de ronde périphérique. Dans un souci de sécurité,
les appartements de l'abbé, n'étaient desservis que par un escalier à vis
dont l'entrée s'ouvrait autrefois immédiatement après
la herse du grand degré. Les étages ne communiquaient donc pas
directement avec le rez-de-chaussée.
Enfin au sous-sol, l'édifice comprend deux cachots directement placés
sous la surveillance du Bailli.

Aile des cuisines
Le bâtiment est formé d'un Rez-de-chaussé qui
comprend cave et cuisine du logis abbatial.
Le rez-de-chaussée et le premier étage constituent la partie
la plus ancienne du bâtiment. Des rajouts ont été faits
au XIVè siècle par Pierre le Roy et au début du XVIè siècle
par Guillaume de Lamps. Le bâtiment comprend aujourd’hui trois
niveaux.

Chapelle Sainte Catherine
C'est le nom donné à un bâtiment de trois niveaux composé au
niveau inférieur de la chapelle Ste Catherine. L'ensemble est desservi
par un escalier à vis logé dans la tourelle polygonale extérieure,
en encorbellement sur un contrefort.
Caractéristiques
Il est intéressant de constater que les divers bâtiments communément
appelés " logis abbatiaux" sont une succession d'édifices
qui répondent à des fonctions très variées. Bien
que leurs constructions s'échelonnent chronologiquement dans le temps,
l'ensemble forme une remarquable unité.
Fruit de plusieurs campagnes de travaux, les éléments se juxtaposent
d'Est en Ouest, de façon autonome. De plus, le marquage volontaire des
différentes parties est très net.
Ce sont les décrochements et les ressauts de façades, comme la
diversité du vocabulaire architectural, notamment en ce qui concerne
la qualité et le positionnement des ouvertures, qui soulignent les phases
d'évolution du bâti.
Néanmoins, cette composition d'éléments hétéroclites
forme une construction cohérente et unitaire, dont l'emprise au sol,
courbe, assure une continuité visuelle logique, générant
ainsi une entité globale.
Enfin, le travail de la façade met en évidence la hiérarchie
des fonctions et comme toute architecture gothique, reflète l'organisation
planaire.
Le logis abbatial offre une conception originale, caractéristique des
recherches architecturales de la fin du Moyen-Age: le mur de façade
est doublé de quatre arcs brisés qui se contrebutent mutuellement,
assurant le report des charges du dernier étage sur de puissants contreforts.
L'alliance de la verticalité et de la puissance singularise les vastes
appartements de l'abbé.

LES FORTIFICATIONS
La construction des remparts est
très tardive dans l'histoire
du Mont Saint Michel.
A l'époque où Philippe Auguste entreprend la reconquête
de la Normandie, les Bretons, alliés du roi de France, profitent de
plusieurs jours de " mortes eaux" pour assiéger le Mont resté fidèle
au souverain Anglo-Normand (Jean sans terre).
Mais le feu ravage la ville et l'abbaye. Le roi, pris de remords, craint surtout
les représailles du Saint Archange. Il envoya donc à l'abbé Jourdain,
pour racheter sa faute, une forte somme en denier, afin de
faire réparer l'abbaye et augmenter les fortifications.
Il semble qu'avant cet épisode, au début du XIIIè siècle,
la ville n'est pas close de remparts, mais vraisemblablement de palissades
de bois. Le Mont à cette époque ne doit sa relative sûreté qu'à sa
situation insulaire qui l'isole totalement deux fois par jour.
Indépendamment de son site, la construction de l'abbaye depuis le XIè siècle
a manifesté un souci défensif. Les façades constituaient
des parois abruptes rebelles à toute escalade, le mur Nord de la Merveille
( la falaise gothique) surtout, avec ses énormes contreforts.
Hormis ces astuces de constructions et d'implantations, les premiers éléments
d'architecture militaire ne sont édifiés que dans la seconde
moitié du XIIè siècle, comme la tour du Nord par exemple.
La ligne de remparts qui ceint aujourd'hui le Mont-Saint-Michel est donc de
construction plus tardive et n'a commencé vraiment qu'au XIVè siècle.
Situation
Il est nécessaire de distinguer trois types de défense afin de
mieux localiser les éléments.
- La ceinture périphérique de remparts
Elle s'étend d'Est en Ouest sur le contour Sud du rocher, de la tour
Claudine, aux pieds de la Merveille jusqu'à la tour Gabriel.
- Avancée, barbacane et porte du roy
L'entrée de la ville est le point le plus vulnérable, mais un élément
défensif essentiel.
- Les défenses intérieures
Après la porte du roy, le long de la grande rue jusqu'au grand degré qui
mène à l'entrée de l'abbaye, en passant par le puissant
dispositif du châtelet, un maximum d'obstacles défensifs sont
accumulés sur le parcours.

Eléments constitutifs
Le châtelet
Important dispositif de défense, à l'image d'un donjon, le châtelet
se trouve en avant de l'entrée de l'abbaye.
C'est une porte équipée d'une herse, gardée de deux tours,
pourvue au sommet d'un chemin de ronde crénelé et muni de machicoulis.
En avant de ce dispositif se trouve une barbacane: cour entourée de
murs crénelés sur lesquels circule aussi un chemin de ronde.
Pour finir, entre le châtelet et la porte d'entrée, s'ouvre sur
le ciel le gouffre qui permettait de défendre la porte par l'envoi de
projectiles à la verticale.

Les remparts
La ceinture de remparts entourant la ville, construite pour l'essentiel de
1415 à 1420 englobe ceux de l'abbaye auxquels ils viennent se souder à l'Est.
Depuis la tour du Nord, les points de défense s'épaulent mutuellement.
Les remparts encorbellés de machicoulis sont rythmés d'Est en
Ouest par de nombreuses tours: tour Claudine, échauguette du Nord, tour
Nord, bastion de la tour Boucle, tour Boucle, tour Basse, tour de la liberté,
tour de l'Arcade, tour du Roy, tour des pêcheurs et plus tardivement
les fanils et la tour Gabriel.

La porte du Roy
Entrée de la ville et point faible de la forteresse, la porte du Roy
est exemplaire dans son système défensif. Protégée
d'une grosse tour, la porte se compose du dispositif "classique" à partir
du XVIè siècle: fossé, pont-levis, herse.
La tour assurait la protection immédiate de la porte tandis qu'une galerie
encorbellée sur machicoulis permettait une défense verticale.
Deux portes, chartière et piétonne, donnaient accès à la
ville, la grande étant protégée par une herse. Outre le
franchissement du fossé, lorsque la ville était "bouclée",
l'entrée était protégée par le pont-levis, son
contrepoids rabattu derrière, la herse et la grande porte.
En amont de ce dispositif une barbacane fermée par la porte dite "du
boulevard" , assurait une protection supplémentaire.
Enfin une seconde avancée fut réalisée par Gabriel du
Puy, lieutenant du Mont-Saint-Michel au XVIè siècle, devant la
barbacane. Avant d'atteindre la porte de la ville, il fallait donc franchir
la première avancée, la barbacane, et obstacle majeur, la porte
du Roy.

Rue principale et grand degré
La rue intérieure n'est pas une fortification bien entendu, mais son
organisation définit un système défensif en terrasses,
interdisant une progression rapide vers l'abbaye.
Passé le village, à l'Est, l'escalier est très découvert,
et proche du champ d'action des remparts. Ce terrain est déjà sous
l'offensive du châtelet.
Au-delà du châtelet, le grand degré est l'ultime fragment
du parcours. Là l'ennemi ne peut progresser qu'au fond de la rue-canyon,
sous les tirs plongeants et croisés de la défense.
Caractéristiques
L'aménagement de lourdes fortifications est rendu nécessaire
par les diverses fonctions de forteresse du Mont-Saint-Michel
L'organisation de la cité, château fort de la seigneurie, peut être
analysée comme celle d'un château fort commun, dominé par
son donjon. Ville frontalière, de refuge et de repli, la place forte
du Mont est très convoitée, car elle abrite le sanctuaire de
Saint Michel, protecteur du royaume de France pendant tout le Moyen-Age.
L'agencement des fortifications est encore due à la forme pointue et
aux escarpements irréguliers du rocher. Celui-ci offrant au Nord et à l'Ouest
la défense naturelle d'un versant abrupt, les fortifications n'enserrent
pas la totalité du Mont. Au pied des bâtiments conventuels, où la
pente du rocher est forte, on trouve un simple mur flanqué de deux petites
tours, tandis qu'au Sud se développe un puissant et massif dispositif
de défense.
Il y a une adéquation totale entre les fortes dénivellations
du rocher et le principe de base de l'architecture militaire médiévale:
le commandement.
Un ouvrage doit toujours être commandé par un autre. Le plus élevé commande
le plus bas; les lignes de jet des projectiles doivent se regrouper, sans être
supérieures à la portée des armes, et limiter les angles
morts. Ce dispositif permet le contrôle visuel et la superposition des
tirs, donc leur simultanéité.
Enfin, les fortifications du Mont se caractérisent par la diversité des
flanquements (second principe de base de l'architecture militaire médiévale).
Il s'agit de créer des débordements dans les murs pour varier
les angles de jets horizontaux et verticaux. On trouve donc au Mont-Saint-Michel
deux types de flanquements: les tours qui permettent de tirer parallèlement à la
ligne de défense, comme les hourds et machicoulis qui facilitent la
protection verticale du mur.

On ne peut pas dissocier l'histoire
du village et celle de l'abbaye. Le rayonnement sur l'Europe de l'abbaye
du Mont-Saint-Michel draina des foules de pèlerins qu'il fallait
accueillir.
Dès le Xè siècle un petit bourg s'était installé sur
le côté Nord du rocher. Les maisons faites de bois et de chaume,
furent ravagées par l'incendie de 992, qui probablement porté par
les vents du Nord atteignit l'église abbatiale.
Progressivement le village glissa vers l'Est, profitant des avantages d'une
situation inexpugnable grâce aux escarpements du rocher. Au XIIè siècle,
l'agglomération se groupait nettement vers l'Est, mais la population
grandissante contraint certaine construction à s'établir sur
des points moins favorisés.
L'incendie de 1203, allumé par les Bretons, dévasta toute la
partie Nord du village. La partie Est, elle, subsista et fut ceinturée,
vers le milieu du XIIIè siècle, d'une petite enceinte qui se
rattachait à l'abbaye. Richard de Turstin, dans la deuxième moitié du
XIIIè siècle, souhaitait déjà réaliser une
ceinture de hourds mobiles en bois, afin de mettre l'abbaye et la ville à l'abri.
Mais le tracé des remparts actuels du Mont a été l'objet
de tant de modifications qu'il est quasiment impossible de connaître
l'implantation
exacte qu'il avait au XIIIè siècle.
La ville était dense, insalubre et circonscrite à l'Est, protégée
par la tour du Nord, point stratégique situé à l'intersection
des deux courtines Nord et Est de l'enceinte.
En 1300, un nouvel incendie "attaque" la petite ville, et les dégâts
sont nombreux. Dans un souci de sécurité, les maisons les plus
proches de l'abbaye sont détruites. Faute de place, les reconstructions
se conduisent le long de la rue menant à la ville, hors des remparts.
L'expansion "hors les murs" et l'accroissement subit de la population,
auront, au XIV et XVieme siècle, des conséquences décisives
sur le développement urbain. Désormais la ville s'étend
jusqu'au niveau des grèves, et se structure le long de la rue principale,
de l'église paroissiale à la porte du roy.
La rue , au XV et XVieme siècle, ouvre déjà des boutiques
et des réfectoires pour les voyageurs. Sur cette artère principale
se connectent des ruelles qui grimpent sur le flanc des escarpements.
Les remparts, nous l'avons déjà vu, seront largement modifiés.
Néanmoins, à partir du XVIIieme siècle, l'organisation
structurelle de la ville fut très peu modifiée, bien que démolitions
et reconstructions successives changèrent le visage de la rue et des
venelles.
Il ne subsiste, aujourd'hui, des maisons anciennes du XV et XVieme siècle
que l'hôtellerie de la Licorne qui enjambe la rue et l'auberge de la
Sirène qui montre sa belle ossature en bois.
Des XV et XVIieme siècle nous parvient enfin la petite église
paroissiale, dédiée à Saint Pierre.

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